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Chroniques
cycle Tchaïkovski
Vadim Repin et Iouri Temirkanov
Si le premier rendez-vous du cycle Tchaïkovski put laisser l'impression que, pour posséder sa sonorité propre et avoir livré des interprétations de haut vol des opus 23 et 36, l'Orchestre Philharmonique de Saint-Pétersbourg tendait à ressembler de plus en plus aux grandes phalanges internationales, le concert de ce soir rappelle qu'il n'en est rien : la formation ne renonce pas à ses spécificités, ce dont on se réjouit. On n'est pas loin de croire que, soucieux de servir son programme dans une relative unité d'approche, Iouri Temirkanov laisse gagner ses conceptions par le ton des solistes dont il s'entoure. Ainsi, l'opulence de Denis Matsuev pourrait bien avoir déterminé le climat de la Symphonie n°4, de même que les choix du soliste d'aujourd'hui se retrouvent dans l'exécution de la Cinquième.
Plutôt que l'épaisseur lyrique appréciée hier [lire notre chronique de la veille], Temirkanov livre un Concerto pour violon en ré majeur Op.35 assez sec – ou, plus justement, dégraissé. Les cordes en introduisent l'Allegro moderato dans une sonorité presque précaire qui révèle un relief moins convenu. Vadim Repin fait une entrée d'une grâce absolue à laquelle répond un accompagnement d'une grande élégance. Le discours violonistique s’avance fier et leste, n'appuyant aucun effet, jusqu'à un jeu en double-cordes paré d'une sorte d'humilité poétique soutenue par une virtuosité intériorisée. Aussi Temirkanov surenchérit-il de vigueur et de lisibilité. Les bois font merveille dans le mouvement central avec une couleur à nulle autre pareille (le trait de basson est une bénédiction). Le violoniste amorce sa canzonetta en une simplicité qu'on pourrait dire « héroïque ». Sans excès, l'Andante suit un cours délicatement articulé, dans une retenue touchante. D'une tenue exemplaire, le Finale se fait moins extérieurement brillant que souvent, Vadim Repin en maintenant le rythme comme un diable tapi dans l'ombre, jusqu'à conclure cette exécution dans la plus intime dignité.
De cette rigueur déroutante, Temirkanov conduit la Symphonie en mi mineur Op.94 n°5. Si la ronde clarinette d'ouverture se fait tout recueillement, le premier mouvement s'inscrit dans une âcre mélancolie qu'il radicalise imperturbablement. Là encore, aucune surenchère : la dynamique demeure modérément contrastée, le tactus d'une incontournable régularité et l'équilibre pupitral exemplaire. L'Andante cantabile s'orne d'un solo de cor pianissimo d'une fiabilité rare, et d'une nuance générale un rien plus mobile à travers laquelle le chef laisse poindre un lyrisme embryonnaire qu'il ne développe pas. D'abord aimable, la Valse suivante investit bientôt ses tutti d'un grain plus nourri, dialoguant avec des soli à l'impact hyper-défini sans qu'un sort leur soit fait. L'Andante maestoso se fait alors toute sévérité, cédant vite la place à un Allegro vivace vaillant qui se révèle urgemment épique.
Les Variations Op.33, Roméo et Juliette et la Pathétique concluront mercredi le cycle Tchaïkovski.
BB